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"Savoir profiter des permis de construire modificatifs" par Me Jean-Marc Petit, avocat associé Adaltys Avocats

"Savoir profiter des permis de construire modificatifs" par Me Jean-Marc Petit, avocat associé Adaltys Avocats

Pour le titulaire d’un permis de construire en cours de validité, la délivrance d’un permis modificatif peut avoir, en pratique, plusieurs intérêts.

Pour le titulaire d’un permis de construire en cours de validité, la délivrance d’un permis modificatif peut avoir, en pratique, plusieurs intérêts. 


Il peut s’agir de faire évoluer le projet avant sa réalisation, par exemple pour mieux l’adapter au marché, qui a pu lui-même évoluer depuis le permis initial, de prendre en compte les modifications apportées en cours de réalisation (cf. la technique dite du « permis balai » en fin d’opération), ou plus rarement, de supprimer spontanément quelques imperfections du permis initial qui sont exploitées au contentieux, dans le but d’éviter une annulation ou un allongement de la durée de l’instance si le juge décide de surseoir à statuer dans l’attente d’un permis de régularisation. Il faut rappeler qu’un permis modificatif peut faire l’objet de contestations, mais qu’un recours contre un tel permis ne peut pas être l’occasion de remettre en cause les dispositions non modifiées d’un permis initial devenu définitif. L’intérêt à agir des tiers est par ailleurs interprété strictement par les juridictions administratives. L’existence potentielle de troubles, qui doit fonder l’intérêt à agir, est mesurée exclusivement au regard des modifications, et de leur portée sur la situation du requérant, lorsque celui-ci n’a pas également attaqué le permis initial (Conseil d’Etat, 17 mars 2017, n°396632). De même, l’instruction d’une demande de permis modificatif ne doit pas être l’occasion pour l’administration de revenir sur le projet initialement autorisé, ce qui est un aspect important là où des nouvelles équipes municipales n’ont pas les mêmes vues que les précédentes. Même si le permis initial définitif a été illégalement délivré, les modifications peuvent et doivent être autorisées si elles sont étrangères à la règle qui a été méconnue à l’origine (Conseil d’Etat, 27 avril 1994, n°128478).


L’approbation de règles d’urbanisme plus restrictives, en tout cas différentes, postérieurement à la délivrance du permis initial soulève néanmoins des questions parfois très difficiles (auxquelles les juridictions ne répondent pas de manière uniforme). Une demande de permis de construire modificatif doit être instruite par rapport à ces règles. Bien sûr, les modifications ne doivent pas, par elles-mêmes, porter directement atteinte aux règles nouvelles (par exemple en remplaçant une toiture à pans par une toiture-terrasse désormais interdite). A l’inverse, des modifications totalement étrangères aux règles nouvelles auxquelles le projet ne serait pas conforme ne peuvent pas justifier un refus ou l’annulation d’un permis délivré (par exemple pour une modification d’aspect extérieur, alors que l’emprise autorisée par le permis initial est désormais supérieure à l’emprise maximale résultant d’une révision de PLU). Le caractère définitif du permis initial confère des droits acquis. Mais, et c’est dans cette hypothèse que l’analyse est souvent difficile, un refus peut toutefois intervenir si les modifications sont considérées comme aggravant la méconnaissance, par le projet, des nouvelles règles applicables (Cf. par exemple CAA de Lyon, 12 août 2014). Ces particularités plutôt intéressantes du permis modificatif sont attachées au caractère définitif du permis initial et à sa nature, autrement dit à la qualification même de permis modificatif. Dans deux cas, un permis demandé et délivré sous la forme de modificatif perd cette qualification et devient un nouveau permis, portant sur un projet critiquable sur tous ses aspects, même non modifiés, et au regard de toutes les règles alors applicables : • 1er cas (le plus connu) : si les modifications remettent en cause, par leur nature ou leur ampleur, « la conception générale » du projet initial.


Cette condition liée à l’absence de modification substantielle oblige à conserver un caractère limité aux modifications apportées, prises isolément et dans leur ensemble. Les modifications envisagées, par exemple sur l’implantation, la volumétrie et l’aspect des constructions (mais aussi contrairement à une idée répandue sur la superficie du terrain) doivent être confrontées au projet initial et à la jurisprudence, qui fournit de nombreuses illustrations de ce qui est admissible.


Par exemple, est un nouveau permis, et non un modificatif, un arrêté qui autorise la réalisation d’un 7ème étage, une diminution de 40 à 27 logements et la suppression des locaux commerciaux initialement prévus, se traduisant notamment par une réaffectation et une diminution de la surface de plancher (Conseil d’Etat, 5 juillet 1978, n° 01492) • 2ème cas (moins connu) : si l’immeuble peut être considéré comme achevé à la date de la délivrance du modificatif. Cette condition liée à l’absence d’achèvement est ancienne et a été rappelée très récemment par le Conseil d’Etat (26 novembre 2020, n°429623). Elle repose sur le principe selon lequel, après achèvement, les travaux nouveaux suivent normalement le régime d’autorisation défini par le code de l’urbanisme pour les bâtiments existants (permis/déclaration selon la nature des travaux). Aucun permis modificatif ne peut donc plus être légalement être accordé.


Une construction est présumée matériellement achevée au plus tard à la date de la réception par l’administration de la déclaration attestant l’achèvement et la conformité des travaux (DAACT), ce qui doit donc conduire en pratique à différer l’envoi de la DAACT après l’obtention de l’éventuel permis modificatif « balai » et, indépendamment même de la DAACT, à ne pas attendre l’achèvement matériel pour déposer sa demande de permis modificatif. Bien entendu, il faut aussi veiller à ce que ce type de permis ne concerne que des changements mineurs et sans enjeux (le non-respect d’un permis étant une infraction pénale par ailleurs). Sauf si l’autorité compétente conteste, dans le délai qui lui est imparti, la DAACT et demande la mise en conformité de la construction avec le permis ou le dépôt d’une demande de permis modificatif de régularisation dans le cadre du dispositif règlementaire prévu par le code de l’urbanisme, un permis modificatif ne peut pas être délivré.


Si le titulaire souhaite, pour une raison ou pour une autre, par exemple pour répondre à la demande d’acquéreurs souhaitant être rassurés sur la pérennité de la construction réalisée, régulariser des travaux après un achèvement non contesté, il faut alors déposer une nouvelle demande de permis portant sur l'ensemble des éléments de la construction qui ont eu pour effet de modifier le bâtiment tel qu'il avait été initialement autorisé. Cette demande sera alors instruite entièrement sur la base des règles d’urbanisme alors opposables, sans tenir compte des droits acquis ouverts par le permis initial....


Il faut souligner en dernier lieu – sans insister ici sur cet aspect très contentieux - que le régime des permis qui interviennent au cours de l’instance portant sur le permis initial, à titre de régularisation, tend à se distinguer nettement du régime général rappelé ci-dessus, au vu de décisions récentes du Conseil d’Etat.


Dans tous les cas, la situation d’un titulaire de permis peut être très inconfortable dans deux hypothèses, pouvant se cumuler dans les cas extrêmes : lorsque des changements substantiels apportés en cours de réalisation empêchent la délivrance d’un permis modificatif ou lorsque des changements dans les règles d’urbanisme empêchent une évolution du projet ou une régularisation des travaux par un permis modificatif, ou même par un permis nouveau.


Il faut donc savoir profiter d’un permis modificatif, en veillant en pratique à ne pas déposer sa demande trop tard par rapport à l’achèvement matériel et en tenant compte, le cas échéant, de l’évolution des règles d’urbanisme depuis la délivrance du permis initial.


Jean-Marc PETIT - Avocat associé Adaltys Avocats - Chargé d’enseignement à l’Université Lyon III